Emploi et handicap : un modèle à bout de souffle ?

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Comment favoriser l’emploi des personnes en situation de handicap ? Les politiques publiques déployées à cette fin depuis des décennies ont-elles fait leurs preuves et répondent-elles aux besoins et aspirations de ces personnes ? Aux besoins des employeurs ? Avons-nous seulement une idée claire de ces besoins, du nombre de personnes concernées et de la nature de leur handicap ? Que peuvent nous apprendre les voies empruntées par d’autres pays, en recherche, comme la France, d’une société plus inclusive, donc d’un monde du travail plus inclusif ?

Alors que la population active avance en âge, que la prévalence des maladies chroniques y augmente, que l’activité professionnelle est elle-même à l’origine d’une partie importante, de mieux en mieux reconnue, des situations de handicap, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a souhaité reprendre ces questionnements. Elle s’est appuyée sur une quinzaine de missions réalisées au cours des dernières années à l’intersection des enjeux d’emploi et d’accompagnement du handicap, mais aussi sur des travaux complémentaires inédits. Plus de 2 200 entretiens, témoignages et histoires de vies, recueillis dans 36 départements, que complète l’examen des approches en vigueur dans d’autres pays comme l’Allemagne et la Suède, avec une attention particulière accordée à l’expérience des personnes concernées.
In fine, l’IGAS se montre particulièrement critique, observant des dispositifs protecteurs qui s’essoufflent, notamment pour l’obligation légale de 6 %, non satisfaite. Trente ans après son adoption, entre 2009 et 2017, le taux d’emploi est passé de 2,7 % à 3,5 % dans le secteur privé et de 4,4 % à 5,5 % dans le public. Ces résultats paradoxaux et décevants interrogent sur l’efficacité des dispositifs existants, ses auteurs déplorant une complexité administrative poussée à l’extrême liée à l’empilement des mesures, la multiplication des intervenants, le souci de s’ouvrir à des approches nouvelles sans supprimer les dispositifs existants, qui absorbe l’énergie des acteurs institutionnels. D’autant que ce modèle de contribution mènera bientôt à une impasse financière, une meilleure observance de l’obligation d’emploi se traduisant mécaniquement par une diminution des montants collectés auprès des entreprises.

Trois scénarios possibles

Il faut rénover, interpelle l’IGAS : Les formes du handicap ont changé, comme les aspirations des personnes concernées, et le regard porté par la société sur ces phénomènes évolue, quoique plus lentement. Le décalage se creuse avec un cadre légal et des modalités d’intervention mis en place il y a plusieurs décennies. Trois scénarios se distinguent pour assurer l’évolution, à long terme, du modèle français, pour le moment, fissuré et en décalage avec les attentes et les besoins. Si le statu quo est maintenu, sa viabilité nécessitera en tout état de cause des modifications substantielles, par exemple la recherche de nouvelles sources de financement et la transformation des modalités d’accompagnement des travailleurs handicapés.

Deuxième pari, plus ambitieux, la refondation, inspiré du modèle suédois, dans lequel l’inclusion des travailleurs handicapés constitue un objectif consensuel. Pas de quota mais des incitations financières, un environnement de travail aménagé pour tous selon le principe d’accessibilité universelle et un financement basé sur la solidarité nationale. Enfin, troisième scénario, le recentrage avec des dispositifs plus ciblés ; on conserve l’architecture actuelle du dispositif mais les soutiens se concentrent sur les situations de handicap les plus problématiques, selon le type d’approche en vigueur en Allemagne.

 

Pour télécharger le rapport de l’IGAS, c’est ici :

 

Avec Handicap.fr – Août 2020